Histoire d’une maladie
Depuis le mois de juillet 2016, j’avais conscience que quelque chose tournait de travers.
Que sait-on du vieillissement? Rien, puisque nous le découvrons au fur et à mesure qu’il avance et que nous le ressentons.
J’avais rencontré pour lui en parler, Jean-Philippe R., un des meilleurs ostéopathes de mes connaissances, qui fut de 1987 à 1990 le kiné/ostéo du sport à l’INSEP-Paris dans l’équipe du Docteur B., avec plusieurs Jeux Olympiques à son actif.
Je ne comprenais pas pourquoi, chaque matin, toujours à quatre heures, j’étais réveillé par des sueurs me coulant le long des côtes. D’autre part, souvent en début d’après-midi, après le café de treize heures, je ressentais une sorte de pression désagréable au niveau de la poitrine.
R. me conseilla de descendre à l’étage en dessous, où sévit le cardiologue Jérémie A., qui suit mon épouse Noëlle.
Lorsque celui-ci faisait ses études de médecine, dans les années quatre-vingt, nous avions travaillé plusieurs mois ensemble dans mon service de psychiatrie où il faisait office d’aide-soignant.
Il me reçoit entre deux rendez-vous, et me fait subir divers examens, puis me demande de descendre au laboratoire d’analyses situé un autre étage plus bas. Il me donne rendez-vous au Centre Cardio-Thoracique pour un bilan complet avec la pose d’un Holter et une épreuve d’effort.
Quelques jours plus tard, à la fin de mon épreuve d’effort, au cours de laquelle nous avons évoqué hilares, les nombreux gags que nous avions provoqués dans les vestiaires souterrains du Pavillon Louis II, premier service de psychiatrie au sein du Centre Hospitalier Princesse Grace de Monaco, il me déclare: « Le jour où tu auras besoin d’un cardiologue, je pense que je serais à la retraite! »
N’ayant jamais visité de médecin depuis l’âge de dix-sept ans, hormis bien sûr la médecine du travail, si l’on peut parler de médecine…, je pris rendez-vous avec un gastro-entérologue, un pneumologue et un oto-rhino-laryngologiste. Pourquoi ne ferai-je pas un bilan pour mes soixante-dix printemps?
Le premier me fit une gastroscopie digestive et déclara que pour un estomac d’infirmier, il était plutôt en bon état.
Le pneumo découvrit une cicatrice de mon ancienne pneumonie, datant des années soixante où, à la suite d’un pari de tête brûlée, j’avais sauté tout habillé dans un étang gelé en plein mois de février, le tout pour fêter mon anniversaire. Il constata que la pratique assidue du chant m’avait permis de retrouver une capacité presque normale.
L’O.R.L. me trouva en pleine forme et me chambra gentiment, en me disant que je vivais mal ma retraite. Elle me prescrit de la valériane afin de calmer mes angoisses.
J’en conclus que je vieillissais tout simplement, et continuais de mouiller mon oreiller et mes draps sans trop m’inquiéter.
En février 2019, j’allais enfin voir ce cher docteur S., jeune médecin auquel j’avais adressé les membres de ma famille et que je n’avais pas revu - pour cause de retraite - depuis ses nombreuses visites à la Maison d’Arrêt lorsqu’il remplaçait le titulaire.
L’approche de mes soixante-dix ans m’imposait une visite médicale chez un médecin habilité, afin de valider mon permis de conduire pour cinq nouvelles années, la loi monégasque étant intransigeante.
Il se montra ravi de me revoir et profita de l’occasion pour me prescrire un bilan sanguin. Qui, bien évidemment se présenta parfaitement normal. En juillet de la même année, je retourne le consulter pour une inflammation du méat urinaire particulièrement douloureuse et désagréable. Persuadé de souffrir d’une infection urinaire, je pratique un ECBU directement en sortant de son cabinet: urines stériles!
En novembre 2019, à la suite d’une consultation de routine, je me plains à mon dentiste de douleurs dans la mâchoire. Il m’examine et conclut à une crispation musculaire du masséter.
Comme chaque année, pour le 9 février 2020, Noëlle m’invite à un week-end « truffes » pour fêter mon anniversaire. Cette année, nous allons chez notre ami Marc N., Monégasque réfugié dans les dentelles de Montmirail où son père, dans les années cinquante, avait acheté un hôtel abandonné au beau milieu d’une ancienne station thermale. Le lieu, merveilleusement situé et parfaitement restauré, est devenu un hôtel trois étoiles bondé tout l’été d’Anglais, de Belges, de Suisses et de Suédois. Son établissement est fermé d’octobre à mai, mais Marc organise chaque week-end d’hiver des repas « truffes », préparés par un de ses fils, devenu chef et « rabassier ».
Nous débarquons le vendredi soir 7 février, dînons avec le patron, goûtons les cuvées que son autre fils a élaborées avec un copain viticulteur, qui comme par hasard est marié avec la fille de notre ami B., un des premiers viticulteurs de Beaume de Venise rencontré au salon de Cagnes-sur-Mer en 1990. La nuit est idéale, sans transpiration.
Le samedi 8 février 2020, il est 10 h. Alors que nous quittons la chambre pour aller faire un tour au célèbre marché aux truffes de Richerenches, je suis atteint d’une diplopie transitoire. Je ne raisonne pas médicalement, beaucoup plus préoccupé à l’idée de rentrer à Monaco lundi matin, Noëlle refusant de conduire mon « porte-avions ». Heureusement, les troubles disparaissent.
Le dîner « truffes » est somptueux: huit plats, huit vins! La nuit est humide, mais justifiée par le dîner, et ce malgré l’absence de chauffage.
Lundi 10 février, retour sans encombre sur la Principauté.
Le mercredi 12, je revois S.: j’ai des maux de tête bizarres, des selles liquides et malodorantes, 37° 5 le matin, 38° 5 le soir. Il me parle d’une éventuelle grippe, qui cette année revêt des signes anormaux et souvent inexplicables, car différents d’un patient à un autre.
En parallèle, les informations évoquent une nouvelle épidémie d’un virus d’origine chinoise, d’abord dénommé « coronavirus de Wuhan » puis « nouveau coronavirus 2019 » (2019-n CoV), son nom officiel SARS- CoV-22 a été choisi le 11 février 2020 par l’I.C.T.V. (International Committee on Taxonomy of Viruses).
Samedi 15 février, 6 h 30, je suis en train de me raser. Nouvelle attaque de diplopie. Je prends mon appareil à tension artérielle rangé depuis trente ans sous le lavabo: 22/15!
Je pars direct aux urgences du C.H.P.G. à dix minutes de mon domicile. Pose d’une perf de Loxen, scanner cérébral, écho-doppler cardiaque.
La T.A. retombe, les résultats sont normaux, ils me relâchent sur le coup des 17 h 30, et je rentre à la maison muni d’une batterie de rendez-vous pour la semaine à venir.
Seul l’Ibuprofène 400 calme mes maux de tête. Je comprendrai plus tard pourquoi.
La semaine se passe. Mon premier rendez-vous pour la pose d’un MAPA (holter de tension sur vingt-quatre heures) est programmé pour le mardi 3 mars. Un scanner thoracique, un bilan sanguin complet et une écho hépatique sont programmés le lendemain, le tout conclu par une consultation avec le nouveau Chef de Service de la cardiologie.
Nous recevons des amis, allons au restaurant, et passons une semaine normale. J’ai de plus en plus de mal pour mastiquer et j’ai l’impression de porter sur la tête la « Couronne du Christ » sous le « Masque de Fer »! Lorsque je me peigne, j’ai l’impression que mes cheveux sont des clous!
La veille du rendez-vous de cardiologie, le mardi 3 avril, discrètement, Noëlle, sur son PC entre les mots : « claudication mandibulaire » et « hyperesthésie du cuir chevelu », termes savants pour désigner ce dont je me plains depuis une semaine.
Le diagnostic tombe direct, sans aucun doute : maladie de Horton, ou Artérite à Cellules Géantes. Nom international : A.C.G.
Immédiatement, comme à la fin d’un polar où l’enquêteur déroule ses indices, tous les symptômes ressentis depuis plus d’un an s’alignent.
Mercredi 4 mars 2020, 17 h 30
Le Professeur de cardiologie me reçoit. Il éclate de rire lorsque je lui parle du Horton :
“C’est incroyable! Figurez-vous que mon père m’a fait le coup il y a un an, et je suis passé à côté. Alors, aujourd’hui vous pensez si je connais cette foutue maladie et tous ses symptômes!”
Il vient examiner mon artère temporale droite, qui depuis ce matin me fait mal et semble très gonflée.
“Vous êtes à 90 % certain de déclarer un Horton. J’appelle immédiatement le Docteur T. Il est à Monaco le spécialiste de cette maladie.”
Il ne pourra pas le joindre, car il a déjà quitté son bureau. Je remercie le Professeur de m’avoir reçu et réintègre mon domicile.
Jeudi 5 mars 2020, 10 h
J’appelle le secrétariat du Docteur T. Il se trouve que nous nous connaissons. Alors que le Professeur Pierre D., sommité mondiale d’hématologie et de médecine interne, occupait encore le poste de chef de service, je devais soigner un détenu greffé du foie et incarcéré à la Maison d’Arrêt. J’avais ainsi plusieurs fois eu l’occasion d’accompagner ce dernier à ses consultations avec le Professeur D.. Le Docteur T., chef de service adjoint à cette époque, assistait à ces consultations. Quand le professeur D. est parti à la retraite, le Docteur T. est devenu le chef de service.
La secrétaire, devant mon insistance, me propose un rendez-vous en consultation privée pour le vendredi 6 mars à 14 h 30.
Vendredi 6 mars 2020, 14 h 30
Le Dr. T. est à son bureau, il me prie d’entrer. Il me demande de m’asseoir, se lève, regarde ma tempe droite, retourne à son bureau, ouvre son ordinateur et m’écoute. Il se lève à nouveau, me demande de prendre mes affaires et me conduit directement dans son service d’hospitalisation situé sur le même étage puisque les consultations privées ont lieu dans le bureau de son service. Il s’adresse à la secrétaire :
“Trouvez-moi un lit, il faut hospitaliser Monsieur.”
Plus tard, couché, perfusé sous poche ionique d’un litre, plus Paracétamol mille, et un flacon de cortisone à quatre-vingts milligrammes, me voici confortablement installé dans un lit d’hôpital. Une purée et une tranche de jambon, le tout sans sel, une compote sans sucre, et le régime le plus strict et le plus désagréable commence.
Le pécheur est puni par où il a péché! Comprendront les gens qui me connaissent.
Le docteur T. passe me voir vers 19 h.
“Voyez-vous Monsieur, le problème pour moi, et après avoir examiné attentivement votre dossier, c’est que : premièrement, la maladie de Horton ne touche, en général en Europe, que neuf femmes sur 200 000, presque toujours de plus de soixante-dix ans. Mais le plus singulier, c’est que non seulement je suis à peu près sûr que vous n’êtes pas une femme, mais en plus, pour tout compliquer, vous faites partie des 5 % des cas qui n’ont aucun signe dans leur biologie. Vous devriez avoir la CRP au plafond, alors qu’elle est normale. Quant à votre VS, elle plafonne à quatre! Bien que je sois à peu près certain à 90 % que vous avez une A.C.G., la biologie ne me donne aucune confirmation. Dès lundi, nous allons pratiquer une biopsie de votre artère temporale. Ainsi, lundi soir, nous saurons si nous sommes en présence de « cellules géantes », seul moyen indiscutable de diagnostiquer une maladie de Horton. C’est moi qui suis d’astreinte ce week-end. Je vous vois demain matin. Bonne nuit.”
J’ai vraiment souffert le martyre jusqu’au lundi 9 mars au matin, jour béni où tous les signes douloureux ont enfin disparu.
Lundi 9 mars 2020
C’est un ami qui m’accueille dans le couloir situé à l’entrée de la salle d’intervention.
“Alain! Qu’est-ce que tu fais là?
- Je fais une maladie de Horton. Il examine ma veine.
- En effet, elle a une sale gueule! Ce soir nous aurons les résultats.”
Adolfo est un excellent chirurgien, à qui je dois la faveur d’être parti à la retraite six mois avant la date officielle. Devant me faire opérer d’une hernie ombilicale, son patron de l’époque, le célèbre chirurgien niçois, le Professeur Charles Ferrari, m’avait expliqué que je ne pourrai me faire opérer de cette hernie qu’après avoir pris ma retraite, car j’allais devoir rester six mois sans faire le moindre effort. N’ayant en quarante années de bons et loyaux services jamais posé un seul jour de congé maladie, nous avons convenu avec Adolfo que je pouvais à la suite de mon intervention prendre déjà trois mois d’arrêt de travail, et qu’il me prolongerait sans problème à nouveau de trois autres mois.
Adolfo est italien d’origine, argentin de naissance, et en plus d’être un excellent chirurgien, c’est un garçon absolument adorable. Pendant qu’il me charcutait, nous avons parlé de son pays, où il n’a fait que ses études. Il m’a avoué que je connaissais apparemment mieux son pays que lui. Il m’a montré le bout de « corgnole » qu’était devenue mon artère thrombosée, en me disant qu’elle avait tous les aspects de la maladie.
Il m’appelle le soir dans ma chambre pour confirmer le résultat qu’il vient de recevoir du laboratoire d’anatomopathologie.
Mardi 10 mars 2020
Après une IRM thoracique, le Dr. T. demande que l’on m’enlève mes perfs et me dit que je sors à 14 h 30.
Les ordonnances sont prêtes au secrétariat et je rentre tranquillement à pied à la maison. Il me reste à subir un bilan sanguin, une IRM cérébrale et une consultation ophtalmo pour achever mon dossier.
Rendez-vous avec le patron lundi 23 mars pour tirer les premières conclusions.
Jeudi 19 mars 2020 : labo à 9 h 30, consultation ophtalmo à 10 h. Je me rends dans le tout nouveau service des consultations externes, et me présente au secrétariat. On me fait pénétrer dans une salle d’examen. Les techniciennes me font passer la tête dans une multitude d’appareils puis me demandent de regagner la salle d’attente. Dans le couloir, je tombe sur le docteur Jean-Marc R., qui me suit depuis une trentaine d’années.
“Monsieur J.! Mais que faites-vous là?
- Bonjour Monsieur. Figurez-vous que comme chaque année à l’occasion de mon anniversaire, je m’apprêtai à prendre rendez-vous dans votre cabinet de ville, les hasards de la vie en ont décidé autrement.
- Venez donc me raconter tout ça.”
Il me prend par l’épaule et me conduit dans son bureau. Il m’écoute, m’examine, teste ma vue, examine longuement mes yeux et me déclare:
“Tous vos résultats sont normaux, et votre acuité visuelle de ce jour est identique à vos verres. Il n’y a aucun dégât actuellement visible.
- Ouf!”
Lundi 23 mars 2020
Le Dr. T. m’accueille avec un masque, Covid-19 oblige!
“Bonjour Monsieur ! Vous avez vraiment meilleure mine que la dernière fois que je vous ai reçu!”
Il m’annonce que l’ensemble de mes bilans est absolument normal. Privé de signaux d’alerte biologique, je vais devoir me surveiller et lui signaler par courriel le moindre changement observé. Il me propose, devant la rapidité de mon amélioration et de la compliance que j’affiche face à la maladie, de commencer à baisser progressivement les doses de cortisone à partir du vingt-neuf mars.
Chacun peut aller voir sur le Net les informations sur cette saloperie de maladie. Elle n’est pas mortelle, mais elle va me pourrir la vie.
Cette pathologie impose immédiatement une hygiène de vie draconienne, des soins, un régime alimentaire strict assorti d’au moins une heure de sport par jour, afin de juguler les effets indésirables de la corticothérapie intensive, qu’elle nécessite et qui demeure purement symptomatique, aucun traitement n’existant à ce jour.
N’ayez pas peur!
Ce fut mon métier pendant quarante années.
J’ai retrouvé mes réflexes, et je me surveille. Le moral est bon. Suite au prochain numéro.
Pour information:
Effets secondaires possibles associés à la corticothérapie :
•Labilité émotionnelle • Augmentation de l’appétit • Prise pondérale • Insomnie • Diabète sucré • Hypertension • Ulcère gastro-intestinal • Acné (associée à des doses élevées) • Aspect « cushingoïde » • Retard de cicatrisation • Myopathie • Ostéonécrose • Susceptibilité accrue aux infections, retardées et insidieuses (probablement en lien avec la durée de traitement) • Athérosclérose • Cataracte • Stéatose hépatique • Ostéoporose
•Atrophie cutanée (rares et peu prévisibles) • Glaucome • Pancréatite • Pseudotumor cerebri • Psychose...
Avril 2020
L’ensemble des résultats est arrivé : tout est rentré dans l’ordre et les bilans sont identiques au bilan d’il y a quatre ans.
Seul effet secondaire vraiment pénible : l’aggravation des extrasystoles, discrètes en 2016, mais en fait à l’origine des fameuses sensations de gêne respiratoire (type « Angor » ou injection intraveineuse de calcium) qui m’avaient à cette époque amené à consulter.
Je suis reçu par le cardiologue le mardi 7 avril à 8 h 30 ; il ne peut que constater l’aggravation des symptômes qui, pour lui, sont normaux avec un traitement de 80 mg de cortisone. Il constate également un pouls à 120 pulsations/minute, toujours pour cause de traitement. Je lui explique que le Docteur T. m’a demandé de prendre le Cortancyl en prise unique, à jeun et à 6 h 30. En effet, il est préférable que le taux plasmatique de Cortisol soit atteint vers 7 h.*
Ceci explique ce pouls accéléré lors de la consultation de 8 h 30. Ce pouls va ensuite redescendre progressivement pour se normaliser à 80 vers 10 h. Par contre, les extrasystoles sont vraiment pénibles. Jérémy pense qu’elles devraient s’atténuer au fur et à mesure de la diminution de la cortisone. Il me prescrit six comprimés par jour de Cardiocalme, phytothérapie à base de Valèriane.
* À 8 h, la valeur doit être comprise entre 275 et 685 nmol/l ; à 12 h entre 190 et 468 nmol/l ; à 16 h entre 165 et 300 nmol/l ; à 20 h entre 110 et 250 nmol/L.
À 24 h, elle doit être comprise entre 55 et 190 nmol/l.
Pour lui, mon cœur est en excellent état et devrait supporter le choc. À moi de me calmer par des exercices respiratoires, technique que je pratique depuis l’âge de quatorze ans. Ils m’ont été enseignés par mon prof de théâtre et confirmés par Maître Barriel, celui qui m’initia à l’art de l’épée électrique en 1964. Indispensable de se détendre physiquement et mentalement avant la violence d’un assaut en tournoi!
Après m’avoir rassuré, Jérémie me rajoute un bilan cardiaque sur l’ordonnance de contrôle prévu toutes les deux semaines et demandé par le Docteur T., avec lequel nous avons élaboré un plan de diminution du Cortancyl de 20 mg. Il consiste à diminuer les doses de 5 mg par semaine. Le Dr. T. reçoit mes résultats de labo et m’écrit par mail que tout va bien ; Jérémy me téléphone et à part des globules blancs à 14 000 (effets secondaires de la corticothérapie intensive), les résultats d’enzymes cardiaques sont bons. À partir du dimanche 19 avril, je serai à 60 mg. Continuer jusqu’à arriver à 40 mg, c’est-à-dire le dimanche 17 mai, où nous resterons en plateau pour trois semaines après un bilan sanguin complet. En fonction des résultats de ce bilan et de l’état du bonhomme, la diminution reprendra jusqu’à 20 mg, ce qui nous conduit au 19 juin. Nouveau bilan, et décision en fonction des résultats et des symptômes constatés. Dans 50 % des cas, ils reviennent, ou ils disparaissent.
Rendez-vous pris avec le Docteur T. le 10 juillet à 15 h 30.
Vendredi 10 juillet 2020
Je prends actuellement 20 mg de cortisone depuis le dimanche 28 juin. Le docteur T. me reçoit et se félicite de mon état : « Si tous mes malades qui souffrent de la maladie de Horton étaient comme vous, je serai le plus heureux des médecins! »
Mardi 1er septembre 2020
Les résultats du dernier bilan sanguin viennent de rentrer : à part l’hémoglobine et l’hématocrite à la limite inférieure, mon bilan est redevenu normal.
Une crise de tendinite aiguë du tendon d’Achille m’a fait boiter et surtout empêché de faire mon heure de marche quotidienne. Les extraits d’huiles essentielles m’ont permis de remarcher rapidement, mais j’ai dû retourner voir mon ami ostéopathe Jean-Philippe pour qu’il me remette le bassin en place avant de réapprendre à mon cerveau à me faire marcher normalement.
Une douleur progressivement inquiétante au niveau de la dernière molaire droite du maxillaire inférieur me conduit à appeler mon dentiste Samy M.. Il me répond de son domicile, car il vient de se mettre en congé ce matin. Pas de bol. Devant les symptômes et ma situation pathologique, il craint une augmentation de l’inflammation probable et me propose une couverture antibiotique en attendant de nous revoir le lundi 7 septembre. Il me dicte une prescription par téléphone.
L’Amoxicilline orodispersible que m’a servi le pharmacien est nettement meilleure que l’Augmentin qui existait il y a une vingtaine d’années et qui faisait vomir instantanément mes malades. La douleur qui devenait à peine supportable a régressé en trois jours. La dent concernée est une molaire qui est perturbée par la seule dent de sagesse anormale que j’ai dans la bouche : elle pousse horizontalement et vient buter sur les racines de la fameuse molaire. Une IRM en 3-D demandée par le stomatologue avait démontré une proximité inquiétante avec le nerf maxillaire inférieur. Le stomatologue, avec qui j’ai beaucoup collaboré lorsque j’étais infirmier carcéral, avait décliné toute extraction :
« Intouchable, elle est sur le nerf et le risque de paresthésie de la face est trop risqué. On n’y touche pas. Tu vas être condamné à te balader avec une boîte d’antibiotique et d’anti-inflammatoire tout le reste de ta vie! » m’avait-il déclaré en 2007.
Lundi 7 septembre 2020
Visite chez le dentiste qui me refait une radio panoramique en 3 D : un foyer sombre entoure les deux dents. Le risque d’une nouvelle inflammation est évident, aggravé par la prise à long terme de corticoïdes.
C’est à contrecœur que le dentiste et moi décidons de sacrifier cette belle molaire ; créer de l’espace autour de cette foutue dent de sagesse va permettre de résorber l’inflammation et éviter un risque évident de récidive si on ne tentait rien.
Rendez-vous est pris pour le 17. La molaire sera coupée en deux dans le sens de la hauteur à l’aide de la turbine à 300 000 tours/minute équipée d’une fraise diamant.
L’affaire est bouclée en quarante-cinq minutes. La seule douleur ressentie sera celle des injections d’anesthésiant dans la gencive et dans la dent.
Jeudi 17 septembre 2020
Visite de contrôle chez le dentiste : rien à signaler, la cicatrisation est parfaite.
Le fait de marcher une heure par jour et d’avoir augmenté la gymnastique me donne la sensation d’aller beaucoup mieux.
Je passe aujourd’hui à 10 mg de Cortancyl et mon dernier bilan sanguin est redevenu normal, sauf l’hématocrite et l’hémoglobine à la limite inférieure.
Nous allons pouvoir partir pour le Portugal dans les meilleures conditions physiques. Seul le port du masque risque de compliquer le voyage, mais il faudra s’y habituer.
Mardi 13 octobre 2020
Visite de contrôle chez le dentiste : tout va bien. Je peux partir tranquille naviguer sur le Douro.
Dimanche 18 octobre 2020
Les vols Héli-Air et Monacair étant annulés, c’est une limousine qui nous prend aux Mandariniers pour nous conduire à l’aéroport Nice-Côte d’Azur. Direction Paris. Aéroport Roissy-Charles de Gaulle : nous nous envolons pour Porto. Superbe croisière sur le Douro du 19 au 26 octobre.
Du 1er au 7 novembre 2020
Reprise progressive des symptômes : maux de tête, nausées, vertiges. Comme 40 % des malades, la rechute se produit lorsqu’on arrive à 10 mg de cortisone.
La vision de ce schéma nous fait comprendre pourquoi les patients atteints par la maladie de Horton souffrent l’enfer.
L’inflammation de l’ensemble de ces artères les pousse à n’avoir qu’une envie : mettre la tête dans le congélateur.
Lundi 9 novembre 2020
Trois rendez-vous ce matin : 7 h le cardiologue, 8 h l’ostéopathe, 12 h le docteur T..
Pour Jérémie, le cardiologue, pas d’aggravation de l’état cardiaque. C’est à la suite de l’écho doppler des carotides que Jérémie constate la présence d’un minime goitre prédominant sur le lobe gauche avec hypervascularisation. Une écho thyroïdienne et un bilan sanguin sont demandés. Mes extrasystoles l’inquiètent et il demande un électrocardiogramme d’effort.
Le cabinet des frères A. étant un étage plus bas, il suffit de monter pour atterrir chez l’ostéopathe.
Mon bassin a repris son axe et tout va pour le mieux.
Le docteur T. m’accueille avec toujours la même convivialité et ne semble pas trop s’inquiéter de ma rechute. Les études montrent que 40 % des malades de l’Artérite à Cellules Géantes (A.C.G.) rechutent à la baisse des corticoïdes. Il me propose de remonter le Cortancyl à 15 mg pour un mois.
Mercredi 11 novembre 2020
Épreuve d’effort réalisée au Centre Cardio-Thoracique.
Hormis les extrasystoles et un pouls un peu trop rapide à 94, la récupération et la T.A. sont excellentes. Mais le cardio me demande de prendre un comprimé par jour de Cardensiel 1,25 mg. (bisoprolol).
Je ne suis pas particulièrement heureux de prendre des bêtabloquants. Mais je n’ai guère le choix.
Jeudi 26 novembre 2020
Devant l’inefficacité flagrante du Cortancyl, j’appelle le Dr. T. et prends rendez-vous pour le vendredi 4 décembre.
Devant la description des symptômes habituels : nausées, vertiges, maux de tête, sueurs nocturnes, diarrhées, etc., et l’inefficacité des corticoïdes, il propose le traitement de substitution, à savoir : le RoActemra injectable (ou tocilizumab).
Le Tocilizumab diminuant considérablement les défenses immunitaires, le Docteur T. me conseille vivement :
Vaxigrip, à faire tout de suite. Prevenar-13 dans quinze jours.
Revaxis dans quinze jours. Pneumovax dans huit semaines.
À ce jour, mon traitement par vingt-quatre heures consiste en :
- 15 mg de Cortancyl,
- 1,25 mg de Cardensiel,
- RoActemra 162 une injection par semaine.
Dimanche 6 décembre 2020
Première injection de RoActemra.
Les effets bénéfiques ne devraient apparaître qu’à partir de la deuxième injection dimanche prochain.
Dimanche 13 décembre 2020
Deuxième injection. Pas d’amélioration notoire. Pas de fièvre, T.A. 12/6, pouls 50.
Dimanche 20 décembre 2020
Troisième injection. RAS par rapport à la semaine dernière. Beaucoup d’espoir en vue de la quatrième injection de demain.
Jeudi 31 décembre 2020
Malgré le fait qu’elle ait été arrachée, ma molaire absente me fait mal. Allo dentiste : reprendre les antibiotiques et rendez-vous lundi!
10 de T.A. et vertige depuis une semaine : j’arrête le Cardensiel. Ras le bol!
Dimanche 3 janvier 2021
Cinquième injection de RoActemra.
Il semble que le Tocilizumab commence à faire son effet : seuls des maux de tête supportables subsistent.
Sans Cardensiel, ma tension artérielle reste à 12/7 et mon pouls à 70. Je ne constate pas plus d’extrasystoles que d’habitude.
Lundi 4 janvier 2021
Le dentiste ne trouve rien d’anormal. Une radio en 3D montre une inflammation le long de la dent de sagesse, mais de moindre importance en comparaison du cliché du 17 septembre. Il semble s’agir d’une inflammation locale sans gravité, due au traitement actuel. Le risque majeur pour les patients sous Tocilizumab demeure le risque d’infection.
Le dentiste me demande de rester vigilant.
Jeudi 14 janvier 2021
Les symptômes inflammatoires désagréables ont disparu. Légers vertiges et maux de tête au lever, mais qui disparaissent dans la journée.
Les caisses sociales monégasques m’informent qu’ils acceptent de me prendre à 100 %.
Il était temps, le RoActemra coûte 850 € la boîte.
Lundi 25 janvier 2021
Rendez-vous au labo pour le bilan sanguin simple : NFS, CRP, créatinine sanguine, ALAT, ASAT.
Mardi 2 février 2021
Les Monégasques sont des sujets privilégiés : j’ai rendez-vous pour me faire vacciner contre la Covid avec le vaccin Pfizer sur les recommandations du Docteur T..
Mardi 23 février 2021
Rappel vaccin Pfizer. Aucun effet secondaire.
Mercredi 24 février 2021
Bilan sanguin : hématocrite à 36,7 au lieu de 49.
Samedi 6 mars 2021
Premier anniversaire de la confirmation de mon A.C.G. et de mon hospitalisation.
Lundi 22 mars 2021
Bilan complet :
Chute des leucocytes de 4,50 à 2,91. Chute des polynucléaires neutrophiles de 2439 à 902. Chute des protéines sériques sans significations précises.
Jeudi 25 mars 2021
Le docteur T. me déclare qu’il est très satisfait des résultats de mes bilans et que les perturbations constatées sont essentiellement dues à la prise massive de cortisone sur une durée d’un an. D’après lui, on ne se débarrasse pas aussi vite des effets secondaires de ce type de médicament. Toutefois, pour s’assurer que mes surrénales sont bien en train de reprendre du service, il me propose un examen spécifique : Cortisol + A.C.T.H. (Adreno Cortico Tropic Hormone) à 8 h, plus cortisol libre, iono et protéinurie des 24 h.
Il est fréquent, après un long traitement par Prednisone (cortisone de synthèse) de constater une certaine lenteur dans la sécrétion naturelle du cortisol plasmatique, principale hormone glucocorticoïde, secrétée par les glandes corticosurrénales. Elle permet la régulation des glucides, des lipides, des protides, des ions et de l’eau pour limiter une éventuelle variation de l’équilibre physiologique de l’organisme.
Jeudi 8 avril 2021
Les résultats du dernier bilan sanguin sont arrivés ce matin par la poste. Les leucocytes sont remontés à 3.52, et les polynucléaires neutrophiles à 1288.
Tout le reste est normal, hormis le iono urinaire d’après lequel le sodium, le potassium et le chlore sont en excès. Mais le cortisol étant normal, ce n’est pas alarmant.
Prochain bilan à la fin du mois d’avril...
Alain J.